La motion de rejet, nouvelle arme anti-obstruction
La XVIIe législature poursuit ses innovations dans l’utilisation des procédures parlementaires. Lundi 26 mai, les députés ont adopté la motion de rejet préalable sur la proposition de loi relative au métier d’agriculteur. Le texte a donc été considéré comme rejeté, avant même le début de l’examen des amendements.
Ce qui est surprenant et nouveau, c’est que la motion de rejet est venue du rapporteur, qui saborde ainsi la discussion du texte qu’il est censé défendre. Jusqu’ici, cette arme était utilisée par l’opposition, pour faire rejeter le texte qu’ils ne voulaient pas (et accessoirement, obtenir un peu plus de temps de parole).
Le texte étant polémique et clivant, il a suscité des oppositions farouches, de la part des écologistes, mais également de la commission du développement durable. Après de très nombreuses heures de débats en commission, pas moins de 3500 amendements ont été déposés en vue de la séance. Une stratégie d’obstruction très classique, dont le but est d’enliser le débat et de faire dérailler le calendrier parlementaire.
Jusqu’ici, face à l’obstruction, le gouvernement et la majorité prenaient leur mal en patience, et utilisaient les différents outils de conduite des débats, afin de gagner un peu de temps. Mais globalement, la tactique fonctionnait, et si le texte finissait par être voté, c’était après épuisement des combattants et avec une légitimité politique abîmée. La réforme de 2008 a mis en place un outil anti-obstruction, le temps législatif programmé, qui permet de limiter le temps de parole global d’un groupe. Quel que soit le nombre d’amendements déposés, une fois le temps épuisé, les députés du groupe ne peuvent plus prendre la parole. Cela permet de tenir un peu le calendrier, mais n’empêche pas les débats, qui peuvent être longs et houleux.
Le problème pour le socle gouvernemental est qu’il faut aussi s’assurer d’avoir la majorité lors des votes. Cela veut dire faire rester ses députés dans l’hémicycle, à subir les prises de parole de l’opposition, en se taisant, pour ne pas rallonger les débats. Le rapporteur et les présidents de groupes de la majorité ont donc refusé la proposition de la présidente de l’Assemblée, Yael Braun-Pivet, de mettre en place un temps législatif programmé sur ce texte.
Le gouvernement disposant d’une majorité au Sénat et au sein de la commission mixte paritaire, il n’a pas besoin d’un vote positif de l’Assemblée. Le précédent de la loi immigration a montré qu’on peut très bien avoir au Journal officiel une loi conforme à ses attentes, en zappant le Palais-Bourbon. Autant, sur la loi immigration, le vote de la motion de rejet était un accident, autant, cette fois-ci, c’est une tactique délibérée.
Techniquement, c’est très efficace. Le débat en hémicycle a duré une heure et demie, et le texte part directement en commission mixte paritaire. Il y a quand même quelques inconvénients. Les députés n’ayant adopté aucun texte, c’est la version du Sénat qui sert de base, et n’est modifié qu’à la marge. Il n’est pas possible, au stade de la commission mixte paritaire, d’introduire des mesures nouvelles. Cela revient à faire reposer l’essentiel du travail législatif et de la décision politique sur le Sénat, ce qui est politiquement et constitutionnellement contestable, l’Assemblée nationale étant élue au suffrage universel direct, alors que le Sénat est élu au scrutin indirect.
Le bilan des semaines parlementaires
Contexte a publié le bilan des semaines transpartisanes de l’Assemblée. Depuis le début de la XVIIe législature, l’absence de majorité oblige à des compromis, pour l’ordre du jour de la semaine d’initiative parlementaire.
Le groupe EPR dispose du lundi, les autres jours étant pour les propositions transpartisanes. Des critères ont été définis pour être “éligible” au statut de transpartisan. Les présidents de groupes font leurs propositions pour chaque semaine, avec un vote, qui détermine les textes retenus ainsi que l’ordre de passage.
Si au final, 15 textes ont été adoptés dans ce cadre, seulement la moitié d’entre eux ont atterri à l’ordre du jour du Sénat et deux ont été promulgués au JO. Un résultat à un an qui n’est pas mauvais, au regard des rythmes parlementaires.
Trois évolutions sont préconisées pour améliorer encore le déroulement des semaines
Les propositions de résolutions pourraient être inscrites lors des semaines de contrôle.
Le nombre de propositions que peuvent faire les présidents de groupes pourrait être contingenté,
Les textes non terminés faute de temps pourraient être automatiquement renvoyés à la semaine parlementaire suivante.